Il y a une sombre histoire de bal et d’assassins, dans un environnement moderne, et Alice n’est pas certaine de savoir si elle est une Princesse ou une Espionne toujours est-il qu’elle sait être sous couverture ; mais, comme à chaque histoire, elle ne cherche pas tant à comprendre et elle prend l’intrigue comme elle vient.

La tension de la soirée et des faux-semblants lui serre l’estomac, quelques personnes font frissonner sa nuque et pourtant elle garde ce sourire d’apparence sur les lèvres lorsqu’on la salue, décline poliment lorsqu’on l’invite à danser. Son acolyte ressemble à Neo de Matrix et reste à ses côtés, ils avancent dans les invités en presque toute discrétion — tout se passe bien jusqu’à ce qu’on ne lui attrape le poignet, la tire en arrière, Neo n’arrive pas à la sauver et elle se retrouve nez à nez avec Thure Lindhart et sa stupide moustache. Elle sait qu’elle est désormais dans la panade, toujours sans les détails mais un sentiment de panique la prend au sourire mauvais qu’on lui offre.

C’est une Princesse-Espionne, au passage.

Et c’est Neo qu’on menace, si jamais elle fait quelque chose de stupide. Un regard en arrière et bon sang qu’il est beau young Keanu Reeves, mais elle doit bien être seule face à l’ennemi et ne peut que le suivre. Le cadre change, la pièce devient plus petite, elle cherche une arme quelconque ; il y a un bruit désagréable qui persiste mais Thure ne semble pas s’en rendre compte, et elle se demande si elle peut l’utiliser à son avantage, et —

Elle se réveille en sursaut, le cœur battant à tout rompre, la tension du rêve l’a mise en sueur et elle a affreusement chaud ; Alice se met à trembler, des secondes trop longues où le sommeil s’échappe et ou elle se rend compte qu’on est en train de sonner à son interphone, elle geint une sorte de sanglot jusqu’à réussir à faire un premier mouvement. Elle titube de son lit jusqu’à la porte de sa chambre, jusqu’au salon, jusqu’à l’interphone, elle est affolée mais elle ne sait plus pourquoi, et peut-être est-ce un rêve dans un rêve et c’est Thure à l’autre bout du fil, ou… « Lisie ? » Elle arrive à croasser, difficilement — et tremble un peu plus quand c’est la voix de Max qui babille des choses incompréhensibles qui lui répond. Elle fronce les sourcils. Non. « Chu occupée vous pouvez r’passer ? » Elle a maintenant froid sans la présence rassurante de Keanu à ses côtés, elle pensait ses adelphes être plus au courant pour ne pas venir la déranger quand elle peut potentiellement dormir.

« Quoi ?! » C’est qui vous, et vous, et si la question était de savoir si elle dormait, oui, mais quoi ?! Alice est plus confuse que jamais, et elle tremble encore (sous la surprise, le mécontentement, la tension du rêve qui s’échappe, la colère). Elle renifle, un peu mauvaise, aurait envie de frapper le plastique blanc du téléphone contre le mur qu’ça sonne encore. « Mais arrête. » Elle geint un peu — et elle a envie de dire non, vraiment, de mettre ses limites, qu’c’est pas une gamine, qu’il ne peut rien lui imposer, chacun chez soi, il peut aller embêter quelqu’un d’autre, et s’il a besoin d’un truc y’a bien quatre personnes avant elle qui peut l’aider, et ; et elle appuie sur l’interphone pour ouvrir, parce que c’est plus simple d’obéir sans réfléchir.

Alice a toujours froid, elle laisse la porte d’entrée entrouverte et se dirige vers son canapé pour attraper un gilet et l’enfiler. Elle a envie de pleurer. Elle a fait quelque chose de stupide et Neo… Elle secoue la tête, chasse les larmes en battant plusieurs fois des paupières, il manque quelque chose autour de son poignet, mais Neo, c’est Max et son habituelle délicatesse de rugbyman qui la réveille, (elle ne se souvient pas de s’être assise). La boulangère serre un peu maladroitement l’enfant contre elle, relève un regard quelque peu confus et agacé vers son frère.

C’est sur la chaleur de sa nièce que se concentre Alice, qui a cruellement besoin d’un truc tangible pour se rappeler dans quel monde elle est exactement. Elle voit, comprend à peine, que Nat n’est pas dans le meilleur état du monde ; mais elle n’arrive pas à chasser complètement la peur du réveil brusque, n’arrive pas à décolérer complètement. « Ils sont à Milan. » Elle souffle, pour les parents, sans faire attention de savoir si elle peut être entendue ou non. Max lui grimpe sur les genoux et elle la laisse faire, essaie de rendre l’étreinte confortable pour elles deux. Les sourcils restent froncés, heureusement qu’il n’y a que son frère pour les voir. « Mais — » Elle a envie de commencer la liste, des gens à qui demander avant elle ; elle s’abstient parce qu’elle est fatiguée, que lui aussi, qu’il est là et qu’elle ne va pas le foutre dehors non plus. Ce n’est pas qu’elle ne veut pas, c’est…

Nat loupe quelques mots, Alice ne sait pas s’il n’est pas clair ou si elle ne comprend rien, ne s'en ait jamais formalisé non plus mais ce soir elle sent qu’ils vont bêtement se mettre à pleurer l’un comme l’autre pour des raisons différentes ; et, de son côté, pas tant fondées que ça. Elle tend une main, essaie d’attirer le grand nigaud sur le canapé à côté d’elles. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? »

Alice tend une main, essaie de ne pas lâcher Max tout en attrapant un frère en détresse au vol. Elle colle une joue contre quelques mèches douces, elle ferme les yeux de l’instant tout de même affreusement agréable. Les explications viennent à leur rythme, de façon décousue, elle attend jusqu’à ce que ça fasse sens ; c’est une autre nouvelle qui lui fait retrouver la vue et regarder Max dans ses bras. « Maxime médecin ? » Et elle tend sa guibolle dans un superbe cancan, ou il n’y a… Rien. Une entorse déjà guérit. Elle sourit. Pas longtemps. Le bon soldat frigo a aussi rendu l’âme. Une journée de merde comme il le faut. Elle retient son inner!Daniela et ne lui demande pas s’il a pensé à appeler son assurance. Elle le fera au demain, si besoin. « Voir de la famille, c’est l’anniversaire d’Anita. » Une tante — ils n’ont jamais su si c’est une tante tante ou une tante, ont dû la voir quatre ou cinq fois mais savent tout de sa vie comme elle sait tout des leurs.

Et elle ça va ? « J’crois que Neo est mort, mais ça va. » Il s’en remettra, elle le sauvera dans un prochain rêve ; après des retrouvailles larmoyantes. Peut-être. « C’est qui Neo ? » Merde, a-t-elle le droit de parler de mort même pour plaisanter ?! « Euuuuuuh… » Non, sa nièce est trop petite pour comprendre Matrix, même si elle essaie de le simplifier… « Un ami ? » C’est une bonne réponse, elle ne va pas lui demander de rencontrer son ami ? Mort ? Mince, elle aurait dû— « Lisie aussi ? » Eh bien, ça a au moins le don de la réveiller un peu plus. Alice secoue la tête, gigote pour que Maxime retrouve le sol. « Oui — vous restez dormir, du coup ? »

Neo c’est un ami beau gosse ; et Alice lâche un souffle de rire en même temps que l’enfant, car c’est une manière plus correcte d’apporter les choses sans doute. Le sujet n’amuse la boulangère qu’une seconde, car Liesel est tout à fait réelle là où Neo n’est qu’imaginaire, et que Max s’approche de ce qu’elle souhaite garder secret encore un peu.

Nat a l’air motivé pour retourner chez lui faire du ménage (enfin, motivé en paroles seulement) et elle se retrouve avec la garde non exclusive et complètement temporaire de sa nièce. Alice pousse un soupir, gratte gentiment l’arrière du crâne de la vaillante en essayant de regarder son frère qui est dans un quasi-pire état. Elle hausse les sourcils, les yeux cristallins dans l’attente… De trouver quoi dire ou qu’il ne s’endorme. Les secondes s’étirent en une minute, peut-être deux, et elle finit par sourire. Elle se décale lentement pour que son aîné ne tombe pas, resserre son emprise sur l’endormie et arrive sans grande peine à l’emmener jusqu’à son lit. Elle ne tentera pas l’expérience avec Nat, mais elle a au moins plus confiance en son canapé à elle.

Alice hésite, attrape son portable pour envoyer un message sur le groupe de l’adelphie pour savoir si certain·e·s seraient disponibles. « Eh Calimero ? Elles sont où tes clés ? »