Les chaussures pour enfants sont rendues avec un air suspicieux, les rivaux rhabillés de leurs habits sortants de cabinet, et de façon légitime — n’a-t-elle pas assez prêtée attention à Émile mais Selin jurerait qu’il est un peu mieux coiffé (c’est débatable) et certainement plus aéré. Le sourire de la brune est plus discret que celui de son comparse, qu’elle suit sans rechigner. Elle n’a pas pensé à d’autres conditions particulières pour le contrat. Elle a essayé de réfléchir à toute vitesse pour être certaine de bien connaître son numéro de téléphone (c’est bon !) et qu’il s’agisse vraiment de la meilleure idée (ce serait franchement idiot d’abandonner ou de faire marche arrière maintenant, non ?!). Elle dodeline un peu de la tête, pour donner son accord (est-ce qu’elle pourrait essayer de trouver la même chemise sur internet et l’arnaquer pour toujours…), rit un peu à la dernière proposition. « Vous voulez juste me piquer mon style vestimentaire… » Qu’elle souffle, suspicieuse, joueuse. Elle n’se rend compte qu’à retardement que ça implique, en plus d’échanger leurs numéros de téléphone, qu’il faut aussi qu’ils échangent quelques photos de temps à autres. Pour le contrat ! Pour faire hommage au vêtement ! Bien sûr !

La main est attrapée bien trop rapidement.

« Deal. »

Ils n’ont pas l’air très fins, à la caisse ; à commencer à payer leurs achats séparément, à avoir un regard mi-curieux mi-amusé de la vendeuse pour l’article mis de côté, Selin a un peu honte de l’air complètement outré de l’autre côté de la caisse lorsqu’ils demandent un ticket de caisse (oui mais le papier mais comprenez on… enfin… on en a besoin, juste… merci…), et il y a quelques euros à récupérer dans le fond du sac pour terminer la transaction. Le stylo est d’un rose éclatant pour une encre toute aussi vive, et n’est pas le sien, et les conditions acceptées un peu plus tôt sont réécrites. Instant de jugeote, elle rajoute un “4- On se tutoie” avant d’apposer son plus tournoyant S et de tendre le contrat et son stylo à Emile. Zut, ils auraient dû en demander deux ! (Ils auraient été virés du magasin, très certainement…)

« Vous voulez, enfin, tu voudrais, si tu as le temps, peut-être ? … » Le soleil tape un peu fort, dehors, l’histoire dira que c’est là la cause de son bafouillage. « On peut peut-être se poser quelque part, avec une boisson fraîche ? » Parce qu’il fait chaud, parce que ça creuse l’appétit que de rencontrer la chemise de ses rêves, parce qu’elle se sent un peu bête qu’ils se séparent maintenant (même si… la chemise est dans ses affaires à elle), parce qu’ils ne vont pas s’échanger leurs numéros et partir chacun d’un côté, (s’il faut du même côté)…

Ils auraient pu, seulement, commencer comme ça — s’ils en avaient, ont, envie, mais l’histoire aurait été moins rigolote à lire.