@Netanel Joffe

Les dimanches matins sont toujours les plus calmes, et tu le sais à force, peu de monde... Peu de passages, les gens préférant rester à dormir au lit. T'aurais bien aimé en être capable. Mais trop rester dans le noir t'offrais des angoisses, plutôt rester occupé plutôt que de dormir. Puis tu vendrais les bons croissants préparés par ta soeur. Il n'y avait qu'une mamie, levée aux aurores "à cause de ses articulations" en train de faire des papouilles aux chats. La vieille t'avais raconté qu'elle avait enterré "mizette" il y a de cela un an, qu'elle ne voulait reprendre de chat car elle n'était pas sûre de pouvoir lui survivre. Le temps passait pour tout le monde. Elle venait donc tous les dimanches pour profiter du contact de boules de fourrures.

T'es là, le regard dans le vague, à observer cette silhouette qui passe, et tu t'sens absorbé, comme si t'étais réellement concerné. A la base, tu devais juste laver la vitre pour pouvoir customiser la nouvelle devanture. T'aimais bien faire appel à des artistes de la ville pour promouvoir leur art, contre un bon chèque. C'était un espace d'expression. T'étais en train de finir le nettoyage quand tu l'avais vu, t'avais aussitôt détourné le regard, mais le mal avait été fait. Ta raclette avait, comme par hasard, échappé de tes mains pour finir dans son sceau. Un soupir plus tard, tu t'étais baissé pour essayer de la récupérer, sans succès. T'étais bon pour quelques minutes de ce PLAISIR, alors t'avais finalement sorti un clope pour fumer au calme, alors que tes fauves se glissaient juste derrière la vitrine dans l'espoir de te faire venir à eux. Mais tu préfère profiter de l'air frai encore un peu. T’aperçois du coin de l'oeil M'sieur Netanel, un habitué, il avait déjà adopté certains de tes matous, et tu doutais pas, vu les photos, qu'ils étaient heureux. Tu lui fait un signe de la main.

La cliente sort alors que tu t'approches de la porte. Elle reste juste assez ouverte pour qu'une silhouette tigrée s'évade, ton regard plonge dans l'oeil unique, vert d'eau, de Rivari. Dernière arrivée, la chatte est haute sur patte, elle a toujours vécu dehors, jusqu'à ce qu'elle se choppe une saloperie qui lui coûtera un oeil. Elle est vive, affectueuse, mais un peu craintive, et rêve de retourner dehors, mais ne peut y retourner. T'as passé bien des fois tes mains dans sa fourrure roux-sablé, sentant son cuir couturé de cicatrices.

"Noooon !" Ton coeur bat à cent à l'heure quand l'animal prend la poudre d'escampette, galopant ventre à terre. Ce qui t'inquiète, c'est que le chat-fé n'est pas situé au même endroit que son territoire habituel. Qu'elle ne reconnaîtra rien, et qu'elle ne sera jamais en mesure de retrouver le chemin de la maison. Toi tu trébuche sur ton lacet comme un con, percutant au passage Netanel qui se trouvait sur ta trajectoire, pauvre gars, tu t'accroches à moitié à lui pour pas choir, la chute est rude quand vous êtes un grand dadais maladroit. Et si tu peux éviter, tu préfères.

"S'cusez moi. Je... J'dois la retrouver, le chat-fé est fermé pour l'instant du coup, j'ai personne pour faire le service. Et... Et désolé pour la bousculade, j'vous offrirais un bon mat-chat latté." Que tu glisses avec un p'tit sourire désolé, regardant par où pouvait bien filer ta p'tite flèche enflammée.