FT @Anatole Dietrich

Elle avait insisté, c'était maintenant. C'était toi qui t'y collait, fallait dire que ça t'faisais plaisir, ça faisait longtemps qu't'avais pas vu ton grand frère. T'avais donc un sac de courses blindé de bouffe, comme si, si Mama n'était pas là, vous alliez tous mourir de faim. La femme préparait chaque week end des plâtrées impressionnantes de nourriture pour toute sa marmaille. Elle plaçait le tout dans des boîtes de conservations qui s'appelaient tous "reviens" sinon... Tu voulais pas savoir la fin du "Sinon". Et c'était parce que Anatole n'avait pas récupéré ses gamelles que tu t'étais retrouvé chargé comme une bourrique. Par chance, tous les plats rentraient dans le panier et les sacoches de ton vélo (Pratique lorsque tu devais aller faire les courses, les rares fois où tu parvenais à venir à bout des rations de ta mère. Tu dormais pas, tu mangeais peu, mais t'en parlais pas, et tu jetais certains tupp' sans rien dire à personne. Ce qu'on ne savait pas ne pouvait pas faire de mal.)

Tu t'arrêtais juste devant l'appartement de ton aîné, sors ton plus beau sac de course pour tout foutre dedans, tel un Uber eat du pauvre. Béquille campée, chaîne anti-vol installée (en espérant qu'on ne te barbote pas une roue, ça t'étais déjà arrivé... C'était chiant.

Tu sonnes à l'interphone. "C'est ton frère, mais tu l'sais sans doute déjà ! Ouvre ou la prochaine fois j'laisse maman te faire la livraison et inspecter tout ton appartement, t'faire la vaisselle quand t'auras l'dos tourné et repasser tes ch'mises en râlant." Arme de dissuasion massive. Pour toi en tout cas. T'avais pas vraiment envie qu'elle tombe sur certaines de tes tenues récupérés dans les rayons femmes de certaines magasins. Fallait dire que l'côté mec, la plupart du temps, c'était terne et chiant un peu. Non t'avais pas envie de porter des débardeurs où il était marqué en gros que tu "fumais, baisais et vivait à 100%". Les grandes marques étaient beaufs... T'avais découvert une p'tite fripp' mixte pas trop loin, t'adorais t'y perdre et tomber sur des reliques d'un autre temps.

Puis bon... T'aurais trop peur de sa réaction devant ta collec de boa à plumes. T'ignores si c'est les menaces qui marchent, mais tu rentre finalement dans les communs, pour te poster devant la porte et frapper. T'ajouterais presque un "Je voudrais un bonhomme de neige" scandé à la serrure, mais il est trop tôt, et t'es trop sobre pour ça. En fait t'avais juste envie de faire une hibernation dominicale tellement maman avait abusé pour le repas de midi. T'aurais pu rouler sans vélo en vrai. Enfin bref.

Léandre était parfois… torturé, et quasiment toujours dramatique, autant dans ses arrivées que dans sa façon d’être. Tu n’as pas besoin d’être à la porte pour l’entendre expliquer à Max que l’un de vous va se faire défoncer si tu ne prends pas les tupperwares ramenés docilement par ton petit frère. Vous n’étiez plus régulièrement invités aux réunions de famille, le coup avec Emile avait visiblement suffit à faire comprendre que, oui, tu aimais tes parents, tes oncles, tantes, adelphes, pièces rapportées mais que vous étiez de trop et que tu pouvais aussi être mesquin. Avachi sur le canapé devant un des dessin-animés qu’a lancé Max – qu’elle a vite abandonné pour faire des paillettes, un puzzle, jouer sur sa console portable, te demander ton téléphone pour jouer à des jeux dessus, te lire un conte, sortir tous ses playmobils, pour les faire se battre avec des légos et … en moins d’une heure trente, le salon était devenu un champ de bataille.

Tu te forces tout de même à te hisser sur un coude, tendant un bras mollement désespéré vers ton frère qui entre avec un sac bourré de plats en sauce. « Je peux pas venir, je suis emprisonné par les… » Tu ne sais déjà plus le nom que leur a donné Max. « Les méchants de la royauté de l’empire du galaction, t’écoute jamais. » Tu opines doucement, mettant une main sur ton front et te laissant retomber dans les coussins. « Voilà, comme elle dit. » La gamine s’était déjà désintéressée de ta situation pour sourire à Léandre de son sourire quasi complet. « T’as vu mon nouveau t-shirt, il est bien hein ? Tu as ramené quoi ? » Elle n’attend pas de réponse pour commencer à fureter dans le cabas tandis que tu essaies tout de même de passer péniblement en position assise. « Aide-moi. Tu vas pouvoir reprendre quasi tout, on a plus de frigo. Mais si tu veux, on a de quoi faire un thé ou un café amélioré pour te remercier. »

FT  @Anatole Dietrich
Tu regardais pensif le salon qui te sautait sous les yeux. Penchant doucement la tête en voyant puzzle, paillettes et autres legos mortels pour la plante de tes pieds (bah ouais t'avais laissé tes chaussures dans l'entrée et t'étais prêt à sacrifier tes pieds pour éviter de péter les jouets de Max.) Se trouvait au coeur de se maelstrom, ton frère ainé, allongé sur le canapé. Un sourire doux étire tes lèvres. Bon... Les p'tits humains ressemblaient pas mal à des chatons. C'était la réflexion que tu t'étais fais. T'étais toujours pas prêt à avoir un gosse -encore que, pour en avoir un, il te faudrait sans doute adopter, et pour l'instant ta vie sentimentale était PRESQUE aussi peuplé qu'le désert de Gobi, t'avais bien un "maître de la séduction" pour t'aider, BON Bat' était pas d'accord, mais c'était l'seul à qui t'avais osé demander, mais tu pensais pas que ça mènerait trop loin. T'avais le charisme d'un vieux bulot qui avait survécu aux fêtes de fin d'année et au SEMPITERNEL plateau de fruit de mer.

"... Si c'est des méchants, on est pas dans la mouise Max, par chance... J'ai mon super laser -non mortel- à énergie solaire -parce que bon... QUAND MÊME, on pense à la planète." Tu poses le sac sur la table, brandissant tes doigts sous forme de flingue de mauvais film d'action. Quelques pew pew comme dans star wars, plus tard, et tu te retrouve tout proche de Max, déposant une bise sur le haut de son crâne. "Toi t'es allée faire du shopping avec Emile ! Il te va bien princesse. J'ai ramené... Roh.. Les trucs habituels tu sais." Ta mère avait gardé sa cuisine italienne et la brandissait à chaque repas de famille. Mais elle avait également prit le plus bourratif de la cuisine alsacienne. Choucroute au riesling, baeckeofe (elle s'était mise en tête d'en faire un "de la mer" qu'elle ressortait une année sur deux, tu t'arrangeais pour pas être là.) Et là... L'annonce tombe et vient te ravir avec la même vigueur qu'un monster truck a la foire, pas de frigo. Donc... ça veut dire que tu peux tout récupérer. Faudrait inviter du monde à la maison. Nat, Max, Emile, BIEN ENTENDU parce que y'a pas de raison que tu te retrouves avec trois kilos de bouffe. ça se faisait d'inviter Bat' ou pas ? Tu hausses les épaules. "Non mais en vrai... J'pourrais jamais venir à bout de tout ça. Venez manger à la maison ce week end, les chats s'ront aussi contents que moi. Bon... Tu m'payes un café au lait ?" Que tu balances en te glissant, tel un ninja, jusqu'au canapé, pour lever les jambes de ton bro', et te glisser en dessous, te posant avec toute la délicatesse dont t'es fait dedans -aucune.-. "Alors Max, racontes moi un peu ton scénario là, ils veulent quoi les méchants."

« Faut pas te rabaisser comme ça, Léo. » Tu te frottes les yeux. Les pensées dépréciatives de Léandre jouaient souvent au ping pong avec celles déprimées d’Alice. Être avec les deux finissait généralement par te miner le moral par procuration. « T’es aussi beau que papa. » Tu restes avachi dans le canapé, l’air du pacha, tandis que Max fait mine que tout est normal – elle a l’habitude que tu fasses des déclarations sorties de nulle part, ce qu’elle a tendance à imiter et si, pour l’instant, c’est mignon parce qu’elle est jeune, certains de ses professeurs craignent que ce soit une manie qui suive la préadolescence et l’isole.

Elle est pour l’instant trop occupée à fixer son tonton de toute façon, cillant plusieurs fois face à cette histoire de laser non mortel et solaire. « Mais tu fais comment quand y a de la pluie pendant plusieurs jours ? Tu deviens tout faible ? Faut m’appeler alors, comme ça je viendrais te protéger jusqu’à que tes batteries soient toutes pleines ! » Elle rougit de plaisir au compliment – fait mine de s’échapper face à l’approche et au baiser, mais tu sens que malgré son écœurement tout enfantin, elle apprécie l’étreinte. « Max, tu te souviens comment lancer la cafetière ? » La gamine opine, écartelée entre son envie d’expliquer toute son histoire à Léandre et vouloir prouver qu’elle pouvait faire toute seule de quoi lui complaire. « Alors, eh bah, ils veulent…. Ils sont où les capsules ? » Tu laisses tes gambettes sur celles de ton petit frère, un bras derrière ta nuque, l’autre devant tes yeux. « Pareil que d’habitude. » Elle tire la chaise pour se hisser dessus et ouvrir tous les placards à sa portée. « Mais c’est où d’habitude-eeeuh. » Tu bailles sans répondre et elle maugrée en descendant du comptoir pour aller vérifier dans la cafetière s’il y a déjà du café – tu ne la laisses pas encore toucher à la gazinière, ton frère devra se contenter d’un expresso à la machine. « Ah ! C’est déjà prêt ! J’appuie sur le bouton ! »

« Tu ne veux pas inviter… mmmh… Ba… fin… ma… truc… ? Plutôt ? Tu lui dis que c’est toi qui a fait. »