Alice fait toujours exprès de ne pas comprendre le devoir ‘brunch’ et amène, généralement, du tout sucré ou tout salé. Ce matin à la boulangerie c’est une tarte aux abricots qu’elle s’affaire à préparer, et elle chope d’autres pâtisseries et plusieurs baguettes avant de mettre les voiles — soulagée que son patron soit là et qu’elle n’ait pas à pallier pour lui. Une partie de la famille est retrouvée à un arrêt de tram, (et Maxime va vraiment lui faire des bleus à se prendre pour une rugbyman dès qu’elle veut lui faire un câlin), l’autre est rapidement rejointe au Chat-Fé.

Il y a un air bienheureux sur son visage quand on vient leur ouvrir, Nat traîne derrière mais c’est Nat. Alice essaie de se faire plus douce pour contraster avec Max, pose d’abord sa glacière et son sac en toile pour éviter de ne mettre de la farine partout, avant de fermer les bras dans le dos de Léandre. L’odeur des chats la surprend, comme d’habitude, mais leur aîné se rajoute à l’équation en boulet de canon et le souffle lui manque — ce qui l’empêche de l’éternuer, et elle éclate de rire. « J’étouffe ! » Sa nièce est la première à s’extirper de là, prête à aller jouer avec les chats, Nat s’échappe pour déjà trouver à manger, elle embrasse la joue de Léandre et récupère les affaires qu’elle a amené (en plus du plat qu’on lui a fourré dans les pâtes sans lui demander son avis). Elle ne participe pas à toutes les réunions, en travaille la moitié et en dort l’autre, mais elle est tout de même… Contente, d’être là. Surtout que c’est plus facile, lorsqu’elle sait qu’ils ne seront pas vraiment au complet.

Elle essaie de suivre ses frères pour installer le repas bricolé à plusieurs mains, mais un truc poilu vient interrompre ses pas. Elle siffle, se penche un peu, « Allez, psst psst psst, va jouer ailleurs ! », et le rouquin qui la harcèle la fixe, pire, miaule, et sa tentative de feulement (ridicule) est inutile, il recogne sa minuscule tête contre sa cheville. Elle relève le regard. Help.

La brune fait la grimace — elle ne doute (presque) pas de son charme naturel mais elle préfère lorsqu’il opère sur d’autres que les (affreux) chats de Léandre. Heureusement que sa fantastique nièce est là pour la sauver, elle ne bouge pas le temps que Max récupère la bestiole. Il y a un sourire qui reste sur ses lèvres, doucement, tranquillement, à écouter ses idiots de frère se chamailler pour un rien.

Un détour en cuisine pour mettre les boîtes en carton des pâtisseries au frigo, elle laisse le pain et la tarte sur la table avant de tirer une chaise pour s’y asseoir. Nat est déjà en train de tout béqueter, Léandre ne le réprimande même pas, elle pousse un soupir. Alice attrape un bout de cake et observe d’abord la forme et la texture pour mieux décider si c’est digne d’être mangé ou non. « Lili a fait du sucré, principalement. Aléandre a cuisiné des éponges, par contre, non ? » Le ton est taquin, le plat n’a pas l’air si pire et n’est d’ailleurs pas si mauvais lorsqu’elle y goûte. Est-ce qu’elle lui donnerait la satisfaction de lui faire un compliment ? Non, car elle a bon cœur et pense à ses pantalons déjà trop serrés — faudrait pas qu’il développe de trop grosses chevilles, (et prenne trop la confiance et ne lui commande plus rien à la boulangerie).

« M’ma a toujours pas compris que je n’aime pas tant les courgettes. » Alice soupire, grommelle, un peu pour eux mais surtout pour elle ; l’habitude de participer à la conversation, souvent de loin, juste pour dire qu’elle est là. Avant que Nat ne becte tout, elle se resserre en cake salé, ignorant les œuvres d’arts de sa nièce avec bien peu de scrupules… Elle n’a qu’une vie, qu’elle soit bonne ?!

La boulangère a tout de même un mince sourire sur les lèvres, contente d’être là et de la simplicité du moment. Le sourire disparaît 12 secondes plus tard qu’on pose les questions qui fâchent (pas tant, elle n’est pas obligée d’y répondre, mais Léandre dit amours et Alice panique).

Sa meilleure défense étant l’attaque, elle pense à Dwayne Johnson pour contrecarrer l’omniscience du plus vieux.

‘Est-ce que son crâne est aussi lisse que ses biceps et c’est quoi le plus dur et il est vraiment beau hein enfin y’a mieux ça doit être intimidant d’être à ses côtés et en même temps il a l’air doux et The Tooth Fairy c’est pas le meilleur film dans lequel il a joué ?!’

« Mon patron est là une fois sur deux, et -- » Y’a pas trop de et, en fait ; elle ne s’avance pas plus et hausse les épaules. « Quels potins ? Et toi ? »