☆la main dans le sac

feat.  @Alexis Martin

Jeudi soir, Krutenau, sa vie nocturne. Les terrasses des bars étaient pleines, les éclairages publics illuminaient d'un ocre-jaune les pavés que piétinaient les étudiants bien décidés à profiter de la chaleur humaine et des boissons locales. Pendant que des couples, ravis d'avoir accédé à une soirée de liberté, profitaient d'un repas élaboré ; des célibataires, des amis, des collègues de travail pour certains, des camarades de classe pour d'autres riaient à gorges déployées aux anecdotes futiles balancées entre deux verres de liquide chargé d'alcool. Liesel enviait cette insouciance, cette joie de vivre communicative qui la capturait à chacune de ses rondes. Elle déambulait dans les ruelles du centre de la ville, aux côtés de son acolyte jäger pour la soirée, revêtant cet uniforme reconnaissable entre tous. À leur passage, des mines se froissaient, d'autres leur adressaient un large sourire chope à la main. Accueil mitigé, contradictoire d'une table à l'autre. Craints, admirés ou détestés, les jägers ne laissaient pas indifférents. Liesel s'était accommodée à cette situation, à défaut de l'apprécier.

Les rues semblaient calmes en apparence. Guère de débordement à signaler ou d'incivilité. Un attroupement à la sortie d'un bar attira son attention. Ce n'est pas tant la rumeur persistante de la foule compacte qui l'apostropha, mais les singulières allées et venues au sein d'une minuscule ruelle jouxtant l'établissement à la façade surmontée de colombages. Pour ne pas créer un mouvement de panique, Liesel observa d'abord la scène depuis les barrières bordant le Rhin. Elle fit un signe de tête à son acolyte pour qu'il contourne la ruelle et fasse le tour. Puis, elle s’immisça dans la foule telle une limande entre les rochers. Son uniforme interpella quelques regards et certains firent demi-tour, comme s'ils avaient soudain découvert mieux à faire. « Jäger ! » hurla quelqu'un parmi les passants. Et voilà, tout ce qu'elle voulait éviter... Elle entendit courir dans la ruelle devant elle alors qu'elle y pénétrait à peine. « On s'écarte ! » averti Liesel en se frayant un passage pour rattraper le fugitif. Elle traversa difficilement l'étroit passage qui bifurqua plusieurs fois pour ressortir à l'arrière d'un restaurant. La porte menant aux cuisines était ouverte. Une jeune femme vêtue d'un tablier apparue sur le seuil pour lui indiquer énergiquement que l'individu avait pénétré à l'intérieur. Liesel fonça dans l'établissement, traversant les cuisines, l'arrière d'un bar, puis une salle bondée de clients. Elle eût enfin la possibilité de voir une silhouette active de dos, qui fût coupée dans sa course, par un croche-pied d'un client du restaurant. Le fugitif s'étala de tout son long sur le paillasson. « Formidable, merci ! » remercia Liesel en offrant un signe de tête au client téméraire. Elle attrapa le fugitif par le col et plaqua l'un de ses bras derrière son dos, avant de sortir du restaurant pour ne pas faire davantage de scène. « Oui, je sais t'as rien fait » soupira la jäger qui avait dorénavant entendu cette justification mille et une fois. Elle menotta l'individu pour qu'il cesse de se débattre et le fit se retourner dos au mur. Ses yeux s'ouvrirent grands comme ceux d'une chouette. « Alexis ?! » demanda-t-elle en manquant de s'étouffer.