☆A fool can ask more questions than seven wise men can answer

feat. @Abe Turner

Elle en rêvait la nuit. Cauchemardait ce chaos subit ravageant tout sur son passage. Un vacarme à vous faire sauter les tympans, trembler la cage thoracique comme un diable plantant sa fourche entre vos cotes. Le bruit résonnait encore dans sa poitrine à la nuit venue. Allongée dans le lit, Liesel fermait les yeux et rapidement la scène lui revenait en mémoire. Le souvenir envahissait chaque cellule de son corps. Elle pouvait à nouveau ressentir la violence meurtrière de la secousse. Cette puissance sonore provoquée par la déflagration. Un mouvement brutal des atomes, son corps soufflé par l'explosion et chaque débris fusant comme des balles tranchant l'air. L'apprentie jäger avait fait partie des chanceuses. Ses blessures n'avaient été que superficielles, aisément guéries par les médecins accourus sur place. Elle n'avait même pas quitté le domaine de la conscience, elle avait simplement été privés de ses sens l'espace d'un instant. Elle avait subit le chaos environnant : vue et ouïe altérées, suffocation. Puis, elle avait fini par se relever. Retrouvant son souffle,  percevant des formes au milieu de l'épaisse fumée grise et bientôt les cris et le son des sirènes couvrant la pagaille. Elle avait marché, trébuché...sur le corps sans vie d'Antonio.

En dépit de sa jeunesse, Liesel était assez avisée pour douter de la version officielle transmise par l'Institut. L'explosion ne pouvait être un accident. Qui aurait provoqué cela ? Était-ce un jäger ? Cela signifiait que l'un d'entre eux était un meurtrier et la jeune femme ne pouvait se résoudre à cette éventualité. Pourtant, la cause était volontaire, Liesel en était persuadée. Était-ce un attentat contre les jägers ? Cette hypothèse ne tenait également pas debout, car il ne faisait aucun doute que le gouvernement aurait crié vengeance si cela avait été le cas et répondu promptement en conséquence. Alors quoi ? Qui ? Tous et toutes semblaient être trop rapidement passées à autre chose. En proie aux doutes, l'apprentie jäger s'était mise en tête de briser le silence qui la muselait. Cependant, elle ne pouvait guère le faire à l'Institut où de trop nombreuses oreilles trainaient. Elle quitta donc les murs du Palais Rohan et l'enceinte même de Strasbourg pour aller déranger son précepteur pendant le week-end. Arrivée au moulin dans lequel vivait Abe Turner, elle gara la veille Opel Corsa d'occasion offerte par sa grand-mère pour sa majorité. Rarement utilisé, l'engin dormait dix mois de l'année sur douze dans un parking souterrain de la Cité-État. Cherchant des yeux un signe de vie à l'intérieur des lieux, elle frappa finalement à un carreau proche de ce qui semblait être l'entrée principale. « Monsieur ? Hum...Sir ? » appela-t-elle à haute voix. Comment devait-elle s'adresser à lui en dehors de l'Institut ? Devait-elle l'appeler Turner ? Abe ? Vieux ? « C'est Liesel. Je sais qu'on est dimanche, mais j'ai ramené des bières ! » qu'elle annonça en brandissant au-dessus d'elle, le pack qu'elle tenait entre les mains, tel un drapeau blanc pour montrer qu'elle venait en paix. « J'ai aussi des cigares dominicains que j'ai peut-être piqué à mon père... » ajouta Liesel d'une voix allant decrescendo.